Déréglementer, réduire la taille de l'État, privatiser, limiter l'inflation plutôt que le chômage, bref, financiariser et dépolitiser l'économie : les différents dogmes de cette pensée prêt-à-porter sont bien connus. Et s'ils s'immiscent lentement dans nos consciences c'est qu'ils sont diffusés à travers un vaste et inextricable réseau de propagande.
De fait, depuis la fondation de la Société du Mont Pèlerin, en 1947, les instituts de recherche néolibéraux, ces think tanks financés par des transnationales et des grandes fortunes, propagent inlassablement la pensée néolibérale au sein des universités, dans les médias, auprès des parlementaires, etc.
Cette idéologie qui s'affiche évidence, forte de la sanction historique et scientifique que semble lui avoir conférée la chute de l'URSS, a su intoxiquer tous les gouvernements, de gauche comme de droite. En effet, depuis la fin de la Guerre Froide, le rythme des réformes néolibérales est allé sans cesse s'accentuant. Souvent imposée par la force, que ce soit à travers les plans d'ajustements structurels du FMI et de la Banque Mondiale, sous la pression des marchés financiers et des transnationales ou même par la guerre, la doctrine néolibérale s'étend dorénavant à la planète entière.
Mais derrière l'écran de fumée idéologique, derrière ces beaux concepts d'ordre spontané et d'harmonie des intérêts dans un libre marché, par-delà la panacée de la «main invisible», que se cache-t-il réellement ?
Pourquoi ce titre ?
Le mot rets vient du latin rete et signifie littéralement filet. Il exprime l'idée de piège tout autant que l'idée de réseau (d'ailleurs, rete a donné en français le mot réseau). Aussi, l'Internationale néolibérale s'est constituée en un vaste réseau, complexe et inextricable, qui lui permet de faire entendre sa voix polymorphe simultanément sur toutes les tribunes imaginables, à savoir : les think tanks, le système d'éducation, les médias, les partis politiques, les marchés financiers, les organisations intergouvernementales (Fonds Monétaire International, Banque Mondiale, Organisation de Coopération et de Développement Économique, Organisation Mondiale du Commerce, etc.), les transnationales, les fonds de pension et les divers autres gestionnaires de l'épargne (compagnies d'assurance, banques, fonds mutuels, etc.), les syndicats du partenariat, etc. Chacun des maillons de cette vaste chaîne se charge de relayer la doctrine à un autre maillon ou, encore, directement au public. Cette circulation de l'idéologie néolibérale à travers tous les supports de diffusion possibles lui confère une espèce de « monopole de l'apparence » (selon le bon mot de Guy Debord) qui assure sa perpétuation et facilite l'endoctrinement des masses.
Or, en déversant ce flot ininterrompu de propagande, les idéologues néolibéraux servent la cause des puissants. Car, en dénonçant l'inefficacité de l'État et des programmes sociaux, tout en glorifiant l'efficience et l'infaillibilité des marchés, en vantant les mérites de la concurrence, des inégalités sociales et du droit de propriété privé, qui, selon leurs prétentions, a préséance sur tous les autres droits, ils légitiment les réformes qui assoient le pouvoir des possédants. Ces réformes ont été adoptées en rafales à travers le monde depuis le début des années 80 et ont toujours cours, malgré la crise économique mondiale qui démontre la faillite du système néolibéral. En Occident, elles ont amené les États à abandonner des pans entiers de leur économie nationale. De l'indépendance des banques centrales dirigées par des non-élus qui fixent pourtant la politique monétaire des États, à la privatisation rampante des systèmes publics de santé, d'éducation, de transport, d'énergie et de ressources naturelles, etc., tout a été fait pour retirer des mains des citoyens le contrôle sur leur destinée économique. Mais dans les pays en développement, la situation est bien pire. Maillons essentiels du réseau néolibéral, le FMI et la Banque mondiale ont mis en chantier, à travers les plans d'ajustement structurel, des trains de réformes qui ont dévasté les États, les laissant totalement exsangues. Impuissante, la majeure partie de l'humanité a ainsi vu s'installer un colonialisme d'un genre nouveau qui, feignant l'altruisme, entretient une phénoménale déprédation. Alors qu'on vante les mérites du libre-échange, on procède à la dilapidation en bonne et due forme des ressources naturelles de territoires immenses et à l'asservissement de populations entières.
Et c'est ainsi que la pensée et la démocratie, encerclées de toutes parts par la propagande et les réformes, se trouvent prises au piège, dans les rets du néolibéralisme.
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