source :
http://www.letempsdetruittout.net/gasparnoe/index.asp?v=261
Un documentaire sur les abattoirs de Vaugirard (15e) et ceux de La Villette (19e) dans les années d'après-guerre, décrivant avec précision l'abattage et le dépeçage des bêtes. La froide objectivité du commentaire reflète la tranquille conscience professionnelle des bouchers et tempère parfois avec humour la violence des scènes filmées. Dans ce classique, Franju dépasse le réalisme du reportage en installant une atmosphère poétique, voire fantastique.
Les lignes qui suivent , ne sont pas une critique éclairée ni même éclairante du court-métrage « Le sang des Bêtes » .
Elles furent écrites avec larmes et tripes , après une descente aux Enfers dont je ne me remettrai jamais .
L’émotionnel et le viscéral sont des réactions à double tranchant :
Ils font jaillir ce qu’il y a de plus sincère de plus honnête en soi …mais ils annihilent aussi tout sens de la mesure , au point de nous rendre sourds et aveugles à tout argumentaire qui n’aurait pas l’heur d’être en total accord avec le sien propre .
J’invite donc chacun , à faire ce voyage au cœur de la Vie et de la Mort .
Car , pour que certains vivent , d’autres doivent mourir !
« Le sang des Bêtes » débute comme un film de Marcel Pagnol .
Une petite musique enjouée qui fleure bon la Provence , le thym , le romarin et la lavande .
Un noir et blanc qui nous renvoie à un cinéma français à l’accent tellement enchanteur .
Mais que l’on ne s’y trompe pas !
Car si en surface tout est paisible , des enfants jouent , des amoureux s’embrassent , dans l’ombre aux Portes de Paris , à l’insu de tous , la Mort frappe .
Des convois de trains et de camions , mènent aux abattoirs , veaux , vaches , chevaux et autres moutons .
On ne peut s’empêcher de faire un terrible parallèle avec les Trains de la Mort .
« Le sang des Bêtes » fut tourné en 1949 … la libération des Camps ne date que de 1945 .
La manière dont Georges Franju filme les façades des abattoirs n’est d’ailleurs pas anodine .
Le sang se glace , tant ces bâtisses rappellent l’entrée des Camps de Concentration .
Pourtant , pas un mot à ce sujet … mais les images parlent d’elles-mêmes .
Les commentaires se font en deux temps pour chaque abattoir visité .
La présentation extérieure est faite par une femme .
Sa voix est fluette , douce , empreinte d’émotion .
Elle prépare à l’indicible et donne toute leur humanité aux images qui suivront .
Lorsque les Animaux apparaissent et que l’on pénètre dans les lieux , c’est un homme qui prend le relais .
Sa voix est très technique , neutre , descriptive et ses explications chirurgicales .
D’où une absence totale de larmoiement .
Larmoiement qui aurait totalement desservi le propos du court-métrage et l’aurait fait sombrer dans le pire des mélos de la cause animale .
Chaque ouvrier vaque à ses occupations … très peu d’ouvrières .
Les états d’Ame sont absents .
Les uns sifflent , les autres chantent .
On les comprend ô combien !
Il faut prendre de la distance face à tant de souffrance .
Presque tout sert chez l’Animal sacrifié .
Même les sabots des chevaux deviennent de l’engrais .
Des religieuses recueillent la graisse bovine .
Comment ne pas éprouver une éternelle reconnaissance envers ceux dont on prend la Vie ?
Ce mal est nécessaire , c’est une des terribles Lois de la Nature !
Georges Franju cite Beaudelaire à la fin du « Sang des Bêtes » .
Voilà ce que dit le poète .
« Je te frapperai sans colère et sans haine , comme un boucher »
« Sans colère , sans haine et avec la simple bonne humeur des tueurs qui sifflent ou chantent , parce qu’il faut bien manger chaque jour et faire manger les autres , au prix d’un très pénible et souvent dangereux métier ».
Image étonnante que celle de deux Sœurs quittant les abattoirs .
Je ne peux m’empêcher de penser qu’en récoltant la graisse animale , elles ont aussi collecté l’Ame des Bêtes .
Car si il y a un Paradis pour l’Homme , il y a le même pour les Animaux !